M. Carmelo VACCARO

(Italien arrivé à Genève en 1980 comme saisonnier)

– Quelles sont les circonstances qui vous ont poussé, dans les années 1980, à quitter l’Italie et à venir à Genève ?

J’ai quitté la Sicile en mars 1980 pour plusieurs raisons, dont l’une était de pouvoir m’épanouir avec un emploi sûr et sans demander de faveur.

La Suisse, mentionnée comme une destination avec un sens élevé du devoir civique, m’a semblé correspondre à l’éducation que j’avais reçue de mes parents.

Les années 70 et 80 ont été des années où les petites villes du sud de l’Italie se sont vidées et, surtout, des années où tant de jeunes gens étaient à la recherche d’un avenir meilleur. 

– Quelle a été votre impression du contexte politique, économique et social que vous avez rencontré à votre arrivée à Genève ?

Au début, il a été dramatique de s’installer à Genève. Comme d’autres jeunes de mon âge qui venaient d’arriver, j’ai été confronté à diverses questions qui nous ont fait prendre immédiatement conscience d’une réalité plus dure que nous l’avions imaginée. Le froid, s’habituer à un changement radical et tout ce qui incluait le statut de saisonnier. Il faut également tenir compte des vestiges de l’ère Schwarzenbach et de ses batailles contre les étrangers, où ce sont les Italiens qui étaient le plus pénalisés.

– Quelles ont été les plus grandes difficultés que vous avez dû surmonter dans votre processus d’intégration ?

Avant tout, je dirais, comme mentionné ci-dessus, le changement radical de l’aspect environnemental, culturel et interpersonnel. À cela, j’ajouterais également mon adaptation personnelle à une langue différente, à une culture civique avancée, qui m’a certes enrichi, mais que j’ai dû intégrer à ma culture d’origine. J’insiste sur le fait qu’en ces années de l’ère pas encore achevée de la mondialisation, la culture du sud de l’Italie était caractérisée par des éléments beaucoup plus distinctifs qu’aujourd’hui, ce qui exigeait à son tour un engagement individuel plus important en faveur d’une intégration qui ne dénigrait pas les valeurs d’origine.

J’ajouterais qu’étant arrivé à Genève, ma première maison, comme pour beaucoup d’immigrants, a été la caserne de St-Georges dans la commune du Petit-Lancy. En plus de cela, n’ayant aucun parent là-bas, l’incertitude du futur, en plus de la solitude, étaient une grande source d’inquiétude ainsi que d’inspiration pour une volonté d’émerger avec une dignité présente et rachetée.

– Quel est votre avis sur l’évolution de la migration à Genève, de son arrivée dans les années 1980 au contexte actuel ?

Certes, Genève a adopté au fil des ans des politiques sociales plus accueillantes favorisant une intégration totale, conformément aux processus d’évolution sociale que nous avons pu mûrir, mettre en œuvre et expérimenter ces dernières années.

Les combats menés par les nombreuses associations sociales qui ont revendiqué les droits fondamentaux de l’intégration morale de l’individu ont accordé aux nouvelles générations une réalité totalement opposée et plus favorable que celle de l’émigration historique.

Je crois que ce nouveau contexte social dont tant d’entre nous ont été les protagonistes a été une source de fierté pour Genève et pour nous-mêmes. Cet engagement civique commun m’a rendu encore plus convaincu et a confirmé la justesse du choix de ma destination que j’ai  fait dans les années 80, au point de me naturaliser avec conviction et fierté, un choix que beaucoup de mes pairs ont partagé.

Il faut également considérer que la grande majorité de l’émigration d’aujourd’hui est représentée par des personnes instruites ayant un emploi dans des sociétés multinationales, déjà équipées de la connaissance de plusieurs langues, communément appelées “expats”, et bénéficiant de plus grandes opportunités à leur arrivée.

Reportage télévisuel sur l’initiative Schwarzenbach. RTS
L’initiative Schwar­zen­bach

L’initiative du 7 juin 1970 contre la surpopulation étrangère, portée par James Schwarzenbach, reste l’une des votations les plus controversées de l’histoire suisse du XXe siècle. (Cliquez sur l’image ci-dessous pour plus d’informations)