Yves Beigbeder

Janvier 2022

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a renouvelé le mandat de l’Eufor, la Force internationale de paix en Bosnie-Herzégovine le 3 novembre 2021, pour un an après plusieurs jours de négociation musclée, soit 600 soldats européens de 19 pays   déployés dans le pays pour garantir la paix et la stabilité- et la nomination d’un nouveau Haut-représentant de la Communauté internationale (OHR), l’Allemand Christian Schmidt.

Dans son récent rapport sur la situation dans le pays, entouré par la Serbie et la Croatie, Schmidt avait demandé à l’ONU de renforcer la présence des forces internationales « afin d’empêcher le pays de retomber dans une nouvelle guerre ». Il a souligné que ce pays est confronté au plus grand risque existentiel après la guerre de 1991-1995, à laquelle ont mis fin les accords de Dayton, imposés par les Américains et à un véritable danger d’éclatement.

Dans la déclaration finale du Conseil de Sécurité, il n’y a pas de références à Schmidt ni à son rapport, une concession faite à la Russie qui avait menacé de la bloquer si la moindre référence était faite à l’OHR. Moscou avait aussi fait savoir qu’il soutenait Milorad Dodik, l’homme fort de la Républika Srpska (république serbe de Bosnie). Les guerres en ex-Yougoslavie, à partir de 1991 ont coûté la vie à 130 000 personnes, provoqué des massacres ethniques et en ont déplacé des millions d’autres.

Dodik souhaite que la république serbe de Bosnie devienne autonome – ce territoire de 1,2 million d’habitants fait actuellement partie de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Le 8 octobre, Dodik a annoncé que l’entité serbe allait se retirer des institutions clés de l’Etat, comme l’armée et la justice.

Pour sortir de cette crise, l’UE et les Etats-Unis ont lancé une offensive diplomatique fin octobre tendant en partie à normaliser les relations entre Bosniaques et Croates. Elle ouvre la possibilité d’une adhésion du pays à l’UE et à l’OTAN, au risque d’éjecter la Russie de la région. Dodik met de l’huile sur le feu, avec le soutien de Moscou.

La Bosnie reste le nœud gordien de l’Europe et les Balkans redeviennent un baril de poudre. C’est ici, à Sarajevo, qu’un Serbe a déclenché la spirale dévastatrice de la première Guerre mondiale, en tirant les coups de feu qui ont tué l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie.

Les missions diplomatiques actuelles tentent de normaliser d’abord les relations entre Croates et Bosniaques, puis avec les Serbes. La question est de savoir si la paix sera durable au cœur même de l’Europe, où il reste six Etats sans réelle perspective d’entrer dans l’Union européenne (Courrier international, 10-17 novembre 2021).